Fuzzy: de Dietenhofen à Hilpotstein

Enfin un peu de soleil.


Départ tôt direction Nuremberg. Il fait frisquet mais très beau et j’ai le vent dans le dos.

L’hôtel à Dietenhofen

Une partie de la matinée, c’est de la piste en terre ou de la piste cyclable le long d’une forêt, parfois à travers un village.

Piste ce matin

À Großhabersdorf, je tombe sur la Gruberstraße.

C’est donc de cet endroit que sont originaires les frères Gruber, Hans et Simon (interprétés respectivement par Alan Rickman et Jeremy Irons dans la franchise Die Hard).

Rencontre McClane/Gruber
Simon Gruber à la banque

Les frères Gruber sont des terroristes cachant mal leur appât du gain derrière de vagues motivations politiques pour le premier, et le prétexte d’une vengeance pour le second.

Alerte divulgachage : l’un et l’autre finissent en bouillie, dans des circonstances toutefois différentes. Yippee Ki Yay.

On fait un bisou à Bruce Willis, qui a de gros problèmes de santé en ce moment, et on a une pensée pour Patrick Poivey (son doubleur français), décédé en 2020, ainsi que pour Alan Rickman, décédé en 2016.

Ceci dit, Großhabersdorf a beau avoir un nom qu’on croirait sorti d’un album d’Astérix, c’est quand même très joli.

Großhabersdorf

Un peu plus loin, c’est la maison d’Otto Herzog, qui est un cousin lointain de Maurice Herzog, alpiniste et chef de l’expédition ayant réalisé la première ascension de l’Annapurna.

Allez savoir pourquoi Otto a orthographié son nom différemment.

Une dizaine de kilomètres après, c’est Oberasbach et le début de la zone urbaine de Nuremberg. Puis l’entrée de Nuremberg.

Je passe devant la pizzeria Pinocchio. Quand je vivais à Grenoble, il y avait dans ma rue une pizzeria qui s’appelait pareil, elle était tenue par trois gars portant la kippa.

Pizzeria Pinocchio

Un jour, avec une amie, on y était allé manger et elle avait demandé “une pizza avec du jambon dedans”, et le serveur embarrassé avait dû expliquer qu’ils n’en avaient pas.

Au centre ville, je décide de faire un petit tour, notamment au Mémorial des procès de Nuremberg, qui est malheureusement fermé aujourd’hui.

Mémorial

Puis dans un magasin Lego, j’achète un Grogu en porte-clef pour mon Grogu à moi — mon petit garçon —, c’est de toute façon le seul truc qui rentrera dans mes bagages.

Cuteness overload

J’arrive ensuite devant l’église St-Laurent, dont les cloches se mettent à sonner : normal, il est midi douze.

Église St-Laurent
Détail de l’église

Je finis sur un banc juste à côté, avec un sandwich confectionné à l’hôtel ce matin, et un chocolat chaud.

Je reprends ma route en passant par le quartier célèbre de Handwerkerhof (littéralement, la cour des artisans). C’est très mignon avec de petits restaurants et de petits magasins.

Enfin, quitter la ville se fait au prix d’une enfilade interminable de faubourgs, avant de rejoindre l’ancien Canal du Danube au Main, un canal bien riquiqui qui ne semble pas ouvert à la navigation.

Ancien canal

Je quitte la rive du canal pour un bout de campagne, où je fais une petite pause nécessaire.

Les meilleures toilettes du monde

Mais comme promis, venons-en à Jean-Léon Gérôme. Kevin Monet (descendant de Claude et pizzaïolo à Giverny) m’a promis la roulette à pizza de Fausto Coppi si je parle de Gérôme.

Pourquoi celui-là ? Parce qu’il vomissait les impressionnistes et considérait notamment que Claude Monet était “un foutriquet incapable de dessiner correctement” et Georges Seurat “un branlotin dont la technique de peinture se limite à se mettre de la peinture dans la bouche et ensuite à se tirer un poil du nez pour éternuer sur sa toile”.

Georges Seurat, Le Pont de Courbevoie

Donc. Au Städel, j’ai vu Saint Jérôme et le lion.

Jean-Léon Gérôme, Saint Jérôme et le lion

Le peintre met son nom sur une pierre à côté d’un lion pénitent, d’un saint avec son auréole et de ce qui ressemble à un rouleau de textes sacrés. Sans parler du saint représenté, dont le nom sonne furieusement comme celui du peintre. Ça va les chevilles Jean-Léon ?

Il faut dire que le sujet du tableau est déjà bien tarte : un lion qui devient docile et fait pénitence après que Saint Jérôme lui ait enlevé une épine de cactus fichée dans la patte, et s’installe avec lui dans un monastère.

Ah tiens, des bruits de gros sabots… Non, ce n’est rien : juste la parabole de l’histoire en train d’arriver.

Bref. Chassé par les moines après que ceux-ci l’aient injustement accusé d’avoir mangé un âne dont il avait la garde, le lion passe plusieurs années à chercher l’âne et finit par se laisser mourir de faim, de chagrin et d’épuisement, là où il aurait pu transformer en steak tartare ces demeurés infichus de s’occuper d’un âne.

Et donc, là-dessus, Jean-Léon en rajoute une couche, si j’ose dire : regardez comment j’ai bien fait l’auréole et les pieds crasseux… et le détail du tissu et de la barbe… et les finesses de la fourrure du lion…

Finalement, Jean-Léon Gérôme c’est un peu le Finkielkraut de la peinture : il s’exprime très bien, mais il n’a pas grand-chose d’intéressant à dire.

Alors que les impressionnistes font leur entrée au Musée du Luxembourg, Jean-Léon fait un caprice en menaçant de démissionner de l’Académie des Beaux-Arts, qualifie leurs toiles d’“ordures” et y voit le signe de “la fin de la nation”. Bref, un discours de vieux schnoque, nonobstant ses indéniables qualités techniques (c’est en voyant son tableau Pollice verso que Ridley Scott a été inspiré pour son péplum Gladiator).

Kevin, c’est bon, je peux avoir ma roulette ?

Jean-Léon Gérôme, Pollice Verso

Sur ces entrefaites, revenons au vélo.

L’itinéraire rejoint le nouveau canal du Danube au Main, large comme une grosse rivière, avec d’importantes écluses. Y voguent d’imposantes péniches.

Canal
Écluse

Enfin, j’arrive au village d’Hipoltstein, où je vais passer la nuit en Warmshowers, chez Regina.

Au milieu du village, il y a des plants de basilic qui embaument toute la place.

On pourrait en faire du pesto avec tout ça !

La maison de Regina n’est pas bien grande, mais c’est parfait. J’ai même la place de laver mon linge.

Lessive

Après, on mange un risotto aux lentilles que Regina a préparé et des fruits qu’elle a achetés dans une coopérative du coin. C’est aussi une bonne occasion de parler allemand.

Elle me raconte qu’au printemps 2020, après avoir perdu son boulot à cause du Covid, elle a traversé l’Allemagne à pied pendant cinq mois, sac sur le dos. Ça a dû sembler farfelu à l’époque, mais rétrospectivement ça a certainement été une bonne façon de ne pas perdre la tête.

Regina me parle aussi du poids important de la religion dans le coin (elle-même n’est pas originaire de Bavière). Et c’est vrai qu’en arrivant, j’ai vu une statue religieuse sur le pont ; et sur le mur de l’église, une vitrine avec des photos d’une fête religieuse.

En même temps, Regina me dit que les fêtes religieuses c’est surtout des Oktoberfest miniatures, c’est-à-dire des prétextes pour faire griller des saucisses et boire de la bière.

Statue

Regina vit avec sa fille qui travaille à Munich et revient le week-end. Elle m’explique toute contente qu’en octobre elle va aller en Corée du Sud avec ses enfants, où son autre fille a été étudiante.

Après le repas, on papote encore un peu, puis je décide d’aller mettre la viande dans le torchon.


Bilan de la journée:

  • Distance : 74,30km (cumulé 369,95km)
  • Temps de pédalage : 4h03 (cumulé 18h36)
  • Dénivelée: 318m (cumulée 1834m)

Crédits :


Bring me home to this house of many days
Just lay me on the floor, hard and cool as slate
You know I love it more and more than before I ran away
It triggers off so many hurts, hurtful words and broken plates

I lied to
Now I’m fuzzy
I’ve been lied to

4 commentaires sur « Fuzzy: de Dietenhofen à Hilpotstein »

  1. Décidément les aventures continuent avec les histoires de terroristes !
    Heureusement la suite est plus calme : une belle cathédrale à Nuremberg, le canal, l’accueil chaleureux de Regina , et la rvoix apaisante du chanteur de Grant Lee Buffalo !

    J’aime

Répondre à didier Annuler la réponse.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *