Où va le monde ? De St-Félicien à Laviolle

Il y a quelques semaines, j’ai vu le groupe français La Femme en concert à Utrecht, au Tivoli Vredenburg, une salle de concert décidément formidable.


Et La Femme, c’était génial et très énergique. Je leur trouve un côté amateur foutraque et bricolé, genre le groupe qui sort à peine du garage des parents de la copine du batteur. Ne nous y trompons pas : sans être absolument millimétré, le déroulement de leur concert est visiblement très travaillé et ils sont d’excellents musiciens.

La Femme

En plus, je ne sais pas si c’est parce que c’était aux Pays-Bas, mais ils entretiennent leur côté French touch par un bon gros accent (“Tanque iou Utrèchte”).

J’ai fait écouter la chanson Où va le monde ? (au bas de cet article) à Grogu, qui m’a dit avoir envie d’aller à un concert du groupe, “parce ce que je trouve ça franchement chouette”.


Mais revenons à l’Ardèche.

Lundi 11 septembre, lever 4h45 et petit déjeuner à 5h00, puis sur les coups de 6h27, mes parents me jettent sur le parking d’une salle des fêtes à côté de Chambéry. La scène a été filmée.

Je me relève, ramasse mes affaires et vérifie que mon vélo n’a pas été endommagé. Mon père m’a également confié un fondant aux marrons qu’il a fait lui-même à l’attention du groupe. Puis je rejoins Damien, qui sera notre accompagnateur pendant la semaine.

On part vers Lyon récupérer deux Québécois arrivés la veille pour le stage, puis direction St-Félicien, dans le nord de l’Ardèche. À la faveur d’un coup de téléphone passé par Damien, je comprends qu’il vit dans une petite ville de la vallée de l’Isère.

À St-Félicien, on retrouve le reste du groupe. Il y a, outre Yvan et Guido les deux Québécois, Fabrice, Jérôme et Nicolas (Suisses), Filip (Polonais), Dominique D., Dominique C. et Bernard. À partir de ce soir, il y aura aussi Maryse.

Départ

On commence au milieu d’une végétation sèche, ça fait décor du sud.

Lavande

Le relief est bien casse-patte avec notamment la montée de Bozas (entre 14 et 17%). Je reste avec Dominique C. et Bernard qui ont à peu près le même rythme que moi.

Bozas

Je m’étais enquis de la météo auprès de mon ami Nicolas (rien à voir avec le cycliste suisse du groupe), qui est originaire de pas loin d’ici, et qui m’a expliqué qu’en septembre ça peut cailler en Ardèche : je suis donc parti avec des vêtements en conséquence.

Cependant, à St-Félicien, ce matin, il faisait 29°C. J’ai donc un peu chaud à rouler en anorak. Le plus pénible étant les moufles, pas bien pratiques pour passer les vitesses, et les Moon Boots, assez gênantes pour pédaler.

Bref.

On passe à Boucieu-le-Roi, où il y a une gare. J’avais entendu qu’il n’y a pas de train en Ardèche mais c’est faux : au moment où je traverse le passage à niveau, un Eurostar est annoncé en provenance de Londres.

Boucieu-le-Roi

Par la suite, on passe trois cols autour de 600m, entrecoupés de bons petits raidillons. On est bien seul sur cette route : peu de voitures, et encore moins d’étrangers. C’est à peine si j’ai vu une voiture immatriculée aux Pays-Bas ou en Haute-Loire.

Décor ardéchois

Vers 14h00, on retrouve Damien à l’ombre en bord de route pour le pique-nique. Bien après le reste du groupe, qui est sur le point de repartir. Mais tout le monde loue le gâteau de papa (“parfait”, “délicieux”, “sucré juste comme il faut”).

Mmmmh

Après une pause conséquente, je repars avec mes comparses et c’est vraiment difficile. Je me dis que ça va aller mieux, mais j’ai beaucoup de difficultés à trouver un rythme.

Vernoux-en-Vivarais

J’ai bien du mal à faire attention au décor et les montées sont pénibles.

Chalençon
Encore un col

Après Chalençon, on descend dans la vallée d’une rivière appelée l’Eyrieux, qu’on remonte jusqu’au village du Cheylard, sur un faux-plat montant. Là aussi c’est dur, j’ai les jambes toutes molles et Dominique et Bernard sont loin devant.

Dans le fond de la vallée, l’Eyrieux

Au Cheylard, il est 17h. Dominique me dit qu’il reste un peu plus de trente kilomètres, mais surtout un col à 1100m, ce qui signifie 700m à grimper — j’en suis déjà à plus de 1000m de dénivelée pour aujourd’hui. Ça ne va pas mieux du tout et surtout il reste quatre jours de vélo derrière.

Je juge préférable de jeter l’éponge, et je demande à Damien s’il peut venir me chercher. En attendant, je me pose en terrasse avec un Orangina.

Terrasse

Deux alcooliques discutent. L’un avoue être saoul depuis le matin, c’est à peine si je comprends ce qu’il baragouine. L’autre finit par s’en aller, laissant le premier continuer en solo. Je n’ai que des bribes comme “Allez les Bleus, Starsky et Hutch !” De temps en temps, il parle aussi de la guerre d’Algérie. On dirait une version imbibée de Jacquard, dans l’excellente série Au Service de la France.

D’ailleurs, il commence à radoter sur ses appartements à Alger et ses soucis de dégâts des eaux, puis, après un détour par une histoire de chaussures à Moscou, sur la trahison de Mercaillon : “Je t’en foutrais, des ‘on va pas y passer la journée’ !”. Aucun doute, c’est Jacquard.

Un peu plus tard, Damien vient me chercher, et sur la route qui mène à l’hôtel, on fait une pause pour qu’il me filme avec son drone, pédalant sur une route de crête au milieu des brebis, dans la lumière du soleil couchant.

Couchant

De retour dans le camion, on papote de choses et d’autres, puis je lui demande s’il connaît un gars vivant dans la même ville que lui, qui a fait le tour du monde en tandem, et qui ensuite est allé en Islande en tandem avec une petite fille de neuf mois dans une remorque.

Damien me regarde et répond “Ben c’est moi”.

Stupeur : on s’est déjà parlé il y a huit ans.

À l’époque, je préparais le voyage de La Haye vers les Alpes en tandem avec Grogu dans la remorque, et après avoir lu un article sur le voyage de Damien en Islande, je l’avais contacté pour lui demander des conseils.

La conversation s’oriente là-dessus, il me parle de son parcours personnel depuis, et j’ai l’impression d’entendre des événements de ma propre histoire.

Parfois, vous rencontrez quelqu’un et vous vous dites “Le monde est petit”.

Et plus rarement, vous rencontrez quelqu’un, vous regardez son chemin de vie, et c’est un miroir du vôtre.


Bilan de la journée :

  • Distance : 82,26km
  • Temps de pédalage : 4h40
  • Dénivelée: 1171m

Je n’en peux plus des histoires, futiles
Je n’en peux plus de tous ces bourreaux
Et de toutes ces victimes
L’homme se contredit à longueur de journée
Il ne sait pas ce qu’il veut
Et c’est pour ça qu’on se fait du mal
Est ce bien normal?
Il y a des questions où je sais
Que je ne trouverai jamais la réponse
Il y a des choses auxquelles
On ne peut rien faire
Il faut sans doute s’en moquer
Et passer à travers

Mais moi je ne serai plus la bonne poire
Je ne veux plus gâcher ma vie avec des histoires
Qui finissent toujours en drames ou en cauchemars
Je ne veux plus broyer du noir

3 commentaires sur « Où va le monde ? De St-Félicien à Laviolle »

  1. Je ne me rappelais pas qu’il y a autant de cols en Ardèche ! Pour le premier jour, ça a dû être un peu difficile !
    La rencontre avec Damien est étonnante, mais ce sont les expériences à vélo qui vous lient.

    J’aime

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