Aujourd’hui c’est l’étape du Tour. Le plus de kilomètres. Le plus de vent. Le plus de dénivelée. Et une surprenante visite familiale.
Levé tôt ce matin, j’en profite pour faire une photo depuis la fenêtre. Après… je suis retourné me coucher.

Je finis par sortir définitivement du lit et je prépare les affaires, puis je descends au petit déjeuner. Jamais vu un buffet aussi garni, il y a de la viande, du poisson, des œufs, du pain, des gâteaux, des verrines de légumes, et même un gaufrier avec un alignement de petits verres contenant de la pâte crue.
Je me prends un petit déjeuner normal mais remplis mon sac à dos avec deux petits sandwiches et un œuf dur.
Au moment du départ, devant l’hôtel, je discute avec deux cyclistes qui vont vers Cologne. Eux ont des vélos de course et roulent pour une association qui lève des fonds à destination des enfants malades.

Et comme hier, je retrouve la piste au bord du fleuve. Le relief évolue encore, la vallée est plus étroite, les montagnes sont plus hautes… et le vent est plus fort qu’hier. De temps à autre, une péniche passe.

Alexandra, ça rappelle une chanson, non ?
– LEEEEES SIRÈNES DU POOOOOOORT D’ALEEEEEXANNDRIE
– Claude, je remets le courant, c’est bon pour toi ?
– OUIIII COMME D’HABITUUUUUUGHGZWXXZZX
Ensuite j’ai un secteur pavé qui secoue bien la machine.

Et la piste continue. La vallée est régulièrement agrémentée de châteaux sur les hauteurs. Par exemple depuis Brey, on voit le château de Marksburg, servant à la base de protection à la ville de Braubach qu’il domine, puis utilisé comme prison.

Et à partir de là, le paysage devient sublime et me fait oublier les kilomètres de zones industrielles des jours précédents. La piste longe un méandre du fleuve, lequel est bordé de vignobles.



À Boppard, un peu fatigué par le vent pris dans la figure depuis le départ, je mange les deux petits sandwiches confectionnés à l’hôtel ce matin. En repartant, je réalise que je crève la dalle. La veille au soir je n’ai mangé qu’une salade, or depuis hier matin j’ai pédalé face au vent, ce qui pompe beaucoup d’énergie.
Je continue et à partir de Boppard, les méandres du fleuve sont plus serrés, la vallée plus encaissée, et donc le vent plus fort.

En attendant, encore un château.

Au village suivant, Sankt Goar an der Loreley, fatigué et affamé, je me pose en terrasse d’un restaurant au bord du fleuve et je commande à manger. J’en profite pour me reposer un peu.
Une fois reparti, je sais que trente kilomètres de fort vent de face m’attendent : dans trente kilomètres ce sera Bingen, où la vallée s’élargit. Cependant en sortie de village, je tombe sur une affiche pour un concert.

Alors moi les Quatre Fantastiques, je les connaissais autrement.

Autant le lifting de la Chose est réussi, autant il faut avouer que la Femme Invisible a sacrément morflé.
Puis vient encore un château.

Le château de la Souris d’abord, puis le château du Chat : il paraît que parfois celui du Chat poursuit celui de la Souris jusqu’à Cologne.
Un peu plus loin sur un parking, je fais une pause musicale.

Et enfin, le point d’orgue de la piste le long du Rhin : la Lorelei. C’est, d’après wikipedia, le point le plus étroit du Rhin (j’imagine qu’à la source en Suisse il doit être un peu plus étroit quand même) et un rocher surplombe le fleuve à cet endroit.

La légende dit que Lorelei est une jeune fille au chant divin, les marins sont envoûtés par sa voix, en oublient les courants du fleuve et donc, chavirent.
Alors que je suis appuyé à un mur, prenant des photos et consultant l’article Wikipedia, une jeune fille se pointe à mes côtés.
“C’est des conneries tout ça, je sais pas chanter”, me dit-elle. “C’est juste une légende bidon pour romantiques en mal d’inspiration”. Interloqué, je lui demande qui elle est. “Je m’appelle Lorelei. Ça devrait pas te surprendre, tu as quand même l’habitude de convoquer des personnages fictifs sur ton blog, non ?”
Certes. Mais alors, c’est quoi la vraie histoire ? “La vraie histoire”, me dit-elle, “c’est celle racontée par Thiéfaine dans sa chanson. Un vrai gentil, celui-là. Il s’était amouraché de moi, il y longtemps. Mais c’était trop tard. Il est reparti malheureux comme une pierre, et moi je suis restée. Plus bien longtemps…”
J’essaie de me remémorer les paroles de la chanson dont elle parle. C’est vrai que c’est moins romantique.

“Il me manque, ce poète. Il m’aurait sauvé la vie, mais je lui aurais pourri la sienne. C’était mieux comme ça.”
Avant de repartir comme elle est venue, c’est-à-dire comme une ombre, elle me fait promettre de rajouter la chanson de Thiéfaine. Sans doute plus belle que les chants de la légende.
Je continue mon chemin. Au niveau d’Oberwiesel, encore un château, mais alors celui-là n’est pas banal.

Je poursuis ma route sur la piste entre le fleuve et la route. Une Trabant passe, et je me dis que si jamais elle rate un virage et finit dans le Rhin, avec sa carrosserie en plastique, elle peut flotter jusqu’à Rotterdam. Pratique pour éviter les embouteillages. Enfin si les péniches ne décident pas de jouer au water-polo avec.
En attendant, ça me rappelle une bonne blague sur les voitures du bloc de l’Est.
Puis des messages s‘invitent sur le bord du chemin.


Et ici, je vous mets un dernier château pour la route.

Enfin, c’est la ville de Bingen. Il me reste une dizaine de kilomètres, et le vent se calme un peu ici, au niveau du confluent de la Nahe et du Rhin.

Peu après, je lâche les bords du Rhin, puisque la chambre d’hôte de ce soir est assez éloignée du fleuve. Je pense à mes férus de bagnole en passant devant un panneau.

Bon, n’étant pas un féru de bagnole moi-même, je réalise que le circuit se trouve à Hockenheim et non à Ockenheim. D’après ma carte, Ockenheim est un bled et les seules courses qui s’y déroulent ça doit être au bord de la mare, quand un canard se fait poursuivre par une oie.
Enfin, j’aperçois l’endroit où se trouve la chambre d’hôte : c’est le sommet d’une colline, ce qui me promet une arrivée façon la Planche des Belles Filles.
La Planche des Belles Filles est un sommet des Vosges dont l’ascension finale comporte des passages à plus de 20%. La légende du Tour (ou son storytelling, selon votre degré d’intérêt) raconte que lors d’une étape terminant à cet endroit, le vainqueur du jour est celui qui ramènera le maillot jaune à Paris.
Tout ça, aujourd’hui on s’en tape, parce que je suis tout seul à rouler et que je ne fais pas la course non plus. Mais de fait, l’arrivée à la chambre d’hôte est précédée d’un bon petit raidillon.

Je suis accueilli par un monsieur assez âgé mais gentil, qui parle allemand avec un fort accent. Il me demande si je souhaite prendre le petit déjeuner demain matin.
Je lui réponds que oui, mais le contraire n’aurait pas fait de différence : au vu de mon casque et de mes vêtements de cycliste, il a décidé que je devais manger. Cependant sa collègue lui dit “Salvatore, laisse le monsieur choisir”.
Il me montre ensuite où je peux laisser mon vélo pour la nuit (à l’extérieur, derrière un portail). Je lui demande s’il est italien ; il me répond oui. Quand je lui dis que je suis français, il me gratifie d’un bellissimo.
Il met alors dans ma main un trousseau de quatre clefs en m’expliquant “Celle-ci c’est pour la porte d’entrée, celle-ci c’est pour ta chambre, celle-ci pour le portail pour ton vélo, et la dernière je ne sais pas”. “La cave à vin, peut-être ?”, lui demande-je malicieusement. Petit sourire de sa part, suivi d’un clin d’oeil. Puis, dans un haussement d’épaules, il retourne vaquer à ses occupations.
Sur ce, douche, lessive, repos, et enfin je me mets en route pour le restaurant, où je retrouve mon ami Salvatore.
Au moment de commander, il vient me voir ; la carte ne comporte que du porc, de l’agneau, du mouton ou du gibier. Pas de pâtes en accompagnement, que des frites. Au mieux c’est des Spätzle, “un truc allemand”, me dit Salvatore avec une pointe de mépris à peine dissimulé.
Peu emballé par le choix de viande, je me rabats sur un curry de légumes avec du riz. Déception de Salvatore qui me dit “mais tu ne vas pas manger ça ! Tu as faim !”. Il prend ma commande, mais au moment du dessert, me ramène deux parts de torta di formaggio au lieu d’une.
Parfois, un proche disparu revient s’occuper de vous sous une forme des plus inattendues. En l’occurrence, aujourd’hui j’ai pu revoir ma grand-mère paternelle déguisée en un vieux serveur napolitain, dont le prénom n’est sans doute pas un hasard. Au lendemain du 9 avril, c’est un rappel qui tombe à point nommé ❤️
Bilan de la journée :
- Distance parcourue : 82,89km (cumulée 391,04km)
- Temps de pédalage : 5h27 (cumulé 23h15)
- Dénivelée : 371m (cumulée 853m)
NB : image des 4 Fantastiques trouvée ici
Glaciers have melted to the sea
(Things have gotten closer to the sun)
I wish the tide would take me over
(And I’ve done things in small doses)
I’ve been down onto my knees
(So don’t think that I’m pushing you away)
And you just keep on getting closer
(When you’re the one that I’ve kept closest)
Ah ben non : encore pas optimales les conditions aujourd’hui !!! J’ai bien vu un peu de ciel bleu sur certaines photos, mais le vent ne s’est pas calmé apparemment…
Mais un peu plus de compagnie aujourd’hui, avec Lorelei et Salvatore ! 😃
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Les paysages semblent nettement plus accueillants sur ce parcours.
De même que les personnes rencontrées…
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J’aime bien la chanson de Thiéfaine.
Lorelei a bien fait de te demander de l’intégrer à ton récit. Il y a aussi le poème d’Apollinaire « la Lorelei » sur le même thème.
Salvatore était vraiment sympa ! Belle rencontre
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