Sortir de l’ordinaire : de Amsterdam à Enkhuizen

Ce dimanche, une sortie, histoire d’alimenter le blog.


Voilà une paye qu’il ne s’est rien passé ici dites donc. Pourtant le vélo continue de rouler de temps en temps. Alors, dimanche dernier, je décide de chroniquer ma dernière sortie en date.

Dès potron-minet, donc, le train, direction la gare centrale d’Amsterdam. Une fois là-bas je pédalerai le long de la côte de l’IJsselmeer, une mer intérieure fermée par l’Afsluitdijk, une digue reliant la province de Hollande-Septentrionale à celle des Frises.

Trop de mots inconnus ? Allez hop une carte.

Moi j’ai pédalé de Amsterdam à Enkhuizen en passant par Marken, Volendam et Edam. L’Afsluitdijk est la route qui traverse la mer direction Harlingen (carte ©Guide du Routard)

Dans le train, je discute avec un néerlandais rigolard qui fait lui aussi du vélo. Il m’apprend qu’Enkuizen est une des rares villes néerlandaises qui a aujourd’hui moins d’habitants qu’au XVIIème siècle. Auparavant c’était un port important, mais après la construction de la digue qui a fermé la mer (autour des années 30), l’activité maritime a quasiment disparu.

Arrivé à Amsterdam, il fait beau mais ça caille : je m’habille un peu plus chaudement que dans le train, puis je commence mon périple.

Sortie de la gare
Sortie de la ville

Très rapidement ça ressemble à de la campagne. Surprenant, car mon compteur n’indique même pas encore dix kilomètres parcourus depuis la gare.

Bateaux au bord de la mer

Un peu plus loin, des maisons bordent la route qui file le long d’un champ. De l’autre côté, apparaît un tableau impressionniste.

Linge qui sèche, Durgerdam

Notez que Gustave Caillebotte, non content de ses Raboteurs de parquet, a également commis une peinture de linge séchant.

Linge séchant à Petit-Gennevilliers, Gustave Caillebotte

Sur ma photo, il y a un panier à linge abandonné, une table vide, un ciel strié de traînées d’avion : voilà un décor où l’humain est omniprésent mais absent à lui-même.

Si Caillebotte s’était un peu creusé la tête, il aurait eu l’idée de rajouter ce genre d’éléments sur son tableau. Et alors là, il aurait influencé Munch et sans doute Picasso. Il aurait aussi préfiguré l’aliénation et la solitude qu’on trouve chez Hopper.

Au lieu de ça, môssieur Caillebotte, comme à son habitude, s’est contenté de balancer des pâtés insipides sur sa toile, dans une composition hasardeuse et quasi illisible, nous livrant une croûte fadasse, bâclée et superficielle. Pathétique.

Laissant Gustave Caillebotte à sa médiocrité, je continue le long de la côte, jusqu’à tomber sur une route barrée.

You shall not pass!

Me voilà quitte pour un détour par les petits villages, au milieu des champs. Alors que je fais demi-tour, un autre cycliste arrive et me demande si on peut passer ; je lui confirme que la route qui longe l’eau est fermée. Il se fend d’un “Godverdomme!”, c’est à dire en français « Les voies sur berges ! Hidalgo démission ! »

Bêêêê

Enfin, je retrouve le bord de mer, sur la petite route côtière. Il fait beau, il y a peu de vent et je suis quasi seul. Le pied.

IJsselmeer

J’arrive ensuite à Marken, petit village situé sur une presqu’île. C’est tout petit et plein de maisons en bois un peu folkloriques. C’est aussi très tranquille, la seule trace d’activité dans le village est le fait d’un chat qui se roule par terre au soleil.

Chat en pleine activité

Je déambule dans une ruelle large comme un couloir d’appartement parisien et qui me mène au port. Il y a un petit restaurant et quelques magasins touristiques. C’est très mignon et paisible. J’achète un billet pour le ferry direction Volendam, afin de retourner sur la côte.

Rue à Marken
Port de Marken

Une demi-heure de bateau plus tard, je débarque à Volendam.

Alors Volendam, c’est non. Marken c’est touristique et joli, Volendam c’est touristique et moche. Si vous allez aux Pays-Bas, visitez Marken et évitez Volendam.

Non !
Encore non !

Un peu plus loin sur la côte, à Edam, l’automne s’invite et me dit bonjour.

L’automne est là

Juste après Edam, je tombe pour la première fois sur une petite plage. Je ne vois pas la mer bien longtemps : là aussi il y a des travaux. Ceux-ci consistent à renforcer la digue qui longe la côte, et comme les routes sont encore fermées, je dois faire un nouveau détour.

Plage vers Edam

À ce moment arrive sur la plage un gars avec une guitare. Dans un français parfait, Nadir — c’est son nom — me raconte qu’il est pêcheur et qu’il vient parfois sur cette plage jouer de la musique. Il se remémore un amour perdu, en l’espèce Leïla, une jeune fille qu’il a connue plus jeune, dont il était amoureux et qu’il a depuis perdue de vue. Je l’écoute chanter en s’accompagnant à la guitare.

À la fin de sa chanson, Nadir contemple pensivement la mer, les larmes aux yeux. Je le laisse à son chagrin et je repars.

Lors de mon détour, je tombe sur un projet raté de la marine néerlandaise.

Quelqu’un a poussé un peu loin le concept du développement des pistes cyclables, puisque l’idée c’était de faire un sous-marin. Le chef de projet a été viré.

Je continue sur mon détour, et peu avant d’arriver à Hoorn, la prochaine grande ville, je traverse un canal assez important. À quai se trouve un trimaran, qui ne bouge pas, donc, comme s’il était planté.

Trimaran planté. Coïncidence ? Je ne crois pas !

Juste avant Hoorn, je retrouve de nouveau les travaux de renforcement de la digue, avec terrassements et pelleteuse. Bon. Pour le côté bucolique on repassera.

Je reviendrai une fois les travaux terminés.

Je traverse la ville en passant par le centre. Ça n’a pas l’air bien grand, mais c’est très joli et assez animé. Je ne m’attarde pas trop : à Volendam, j’ai reçu un appel. On me réclame ce soir, au lieu de mercredi midi comme stipulé dans le calendrier. L’idée est donc de finir mon périple et de rentrer à la maison pour accueillir l’émetteur de la réclamation.

Hoorn
Ah ben c’est du propre tiens !!!

Je termine les dernières encablures entre Hoorn et Enkhuizen. C’est encore plus la campagne qu’avant, et il n’y a plus de travaux : je roule donc essentiellement au bord de la mer.

Sur une plage, une femme est assise et semble attendre. Quand elle me voit, elle vient à ma rencontre et me demande d’où je suis parti ; je lui réponds que j’ai longé la côte depuis Amsterdam. Elle voudrait savoir si des fois je n’aurais pas vu, sur une plage le long de mon chemin, un pêcheur avec une guitare.

Interloqué, je lui dis « vous parlez de Nadir ? ». Elle me répond que oui, que elle c’est Leïla et que régulièrement elle donne rendez-vous à Nadir à la plage, mais que « ce couillon de Nadir se pointe toujours à la mauvaise plage, et comme je ne suis pas là, il croit que je l’ai largué. Du coup il chante ses chansons à la con, et moi je suis là comme une conne à enfiler des perles. Je ne suis pas prêtresse quand même, comment je peux savoir où il est ? ».

Comme quoi les histoires ne sont pas toujours celles que l’on croit.

Leïla qui attend Nadir

Encore cinq minutes de vélo et j’arrive à Enkhuizen.

Enkhuizen

Alors que j’aperçois la gare, je jette un œil à l’heure qu’il est : un train part dans quatre minutes. Juste le temps de valider mon pass Navigo (Pécresse démission !) et de monter dans le train.

Dans le train

Un peu pressé par le temps et retardé par les travaux sur la digue, je n’aurai pas vu grand-chose des lieux que j’ai traversés aujourd’hui, en particulier Hoorn et Enkhuizen. Ce n’est pas grave, j’aurai l’occasion de revenir.

Les chiffres de la journée :

  • 82,43km parcourus
  • 132m de D+
  • 4h08 de pédalage

Je suis venu au monde sur une énorme sphère
Oui, je suis né ici sur la planète Terre
Certains sont délicieux, d’autres de vrais bulldozers
Certains sont silencieux, d’autres de vraies commères
Certains sont avec eux-mêmes, heureux et se tolèrent
Mais la plupart voudraient juste sortir de l’ordinaire

7 commentaires sur « Sortir de l’ordinaire : de Amsterdam à Enkhuizen »

  1. Une magnifique balade sous le soleil qui donne envie de retourner à Marken et de découvrir ses environs. J’aime bien la photo avec le linge qui sèche au vent.

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  2. J’ai bien aimé l’histoire de Leïla et Nadir. C’était peut-être le tournage d’un roman photo ou d’un scénario onirique ?
    Il est néanmoins probable que ces paysages soient de nature à susciter la mélancolie amoureuse. Allez savoir…
    Excellent road trip !

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  3. Tiens, j’y pense là, cette histoire de Leïla et Nadir ça ferait bien l’objet d’un livret d’opéra ! Ça serait pas mal, non ? Faudra demander à Georges…

    😃

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