Lass jetzt los : deux jours en Allemagne

Ce week-end on dépoussière ce qui reste des cours d’allemand du collège et du lycée.

Vendredi soir, j’ai eu du mal à m’endormir, et le reste de la nuit s’est fait en pointillés. C’est à dire que quand le réveil a sonné samedi matin à 5h25, je n’étais pas bien frais. Ça ne m’a pas empêché de me lever, de ramasser mes affaires et de quitter la maison direction la gare.

Trois heures et une traversée en train du pays plus tard, me voilà à Enschede, ville toute proche de la frontière allemande. C’est parti pour deux jours à vélo, histoire de découvrir de nouveaux coins, et de parler un peu la langue de Goethe.

La gare d’Enschede

J’avoue avoir trouvé la ville d’Enschede sans grand intérêt. Ça tombe bien, je n’ai pas prévu de m’y attarder au-delà du nécessaire. Au bout d’à peine six kilomètres, je change de pays.

Herzlich Willkomen

Des maisons bien proprettes en bord de route, des pistes cyclables, des champs : pour l’instant ça reste assez ressemblant avec les Pays-Bas. Seuls les panneaux en bord de route sont différents.

Campagne
Panneau un peu genré qui indique que les hommes font du vélo pendant que les femmes promènent les gosses

Il y a aussi beaucoup de champs de colza. Ça me fait penser au journaliste Hervé Pauchon, parti de Paris le 21 mars dernier direction Compostelle, et qui partage son chemin au moyen d’un fabuleux podcast.

Le long des routes, je vois régulièrement une jeune femme immobile avec un sourire figé. Ce qui est surprenant, c’est que c’est toujours la même personne. Je ne sais pas comment elle fait pour se déplacer d’un point à un autre: je la vois parfois à des endroits où il n’y a aucune voiture, aucun vélo visible. On dirait que cette personne est un fantôme et que la route est hantée.

Traversant un village, je décide d’en avoir le cœur net et je vais lui parler : a-t-elle quelque chose à me dire ?

Pas de réponse, aucun changement d’expression sur son visage. C’est flippant.

Me frottant les yeux, je finis par réaliser que je parle à une affiche électorale accrochée à un lampadaire. La même, sans doute, que celle présente le long de la route empruntée jusque là.

Sympa mais pas très causante. Vu son nom et le fait qu’elle porte une boucle d’oreille en perle, elle doit être une lointaine cousine du peintre Vermeer.

Après cette rencontre un peu décevante, je continue mon chemin et les hameaux bordés de champs laissent progressivement la place à des forêts tranquilles.

Les meilleures toilettes du monde

À l’approche du village de Darfeld, je tombe sur un château, ma foi fort beau et bien entretenu. J’en profite pour pratiquer mon allemand et je discute donc avec un monsieur, qui m’apprend que le château a environ deux cents ans et que c’est une demeure privée ! Quelqu’un vit là-dedans ! Peut-être une famille (très) nombreuse, peut-être un hippie qui vit et toute une communauté, peut-être un ermite friqué.

Si Heike avait été un fantôme, elle vivrait peut-être dans les murs de ce château.

La route se poursuit à nouveau à travers champs. Plus de colza mais plutôt du blé et quelques éoliennes.

Panneau vers Roxel

En voyant ce panneau, je me souviens que « Roxel » est une chanson du groupe The Police, ça fait « Rooooxel/You don’t have to put on the red light/Those days are over/You don’t have to sell your body to the night »

Fier de ma blague qui j’en suis sûr fera bien rigoler mon tonton JL, je continue. Je ne suis plus très loin de l’arrivée. Une dernière image dans le village de Havixbeck, un remplissage des bidons auprès d’une dame mal embouchée (pour être franc elle me rappelle quelqu’un, mais je n’en dirai pas davantage).

Havixbeck c’est joli

Enfin, c’est l’arrivée à Münster, et c’est tant mieux parce la journée commence à être longue, rapport à l’heure du réveil ce matin, et rapport au kilométrage (j’aurai fait un peu plus de 100km aujourd’hui). Je file vers mon hôtel, le temps d’échapper à un animal échappé du zoo, et de prendre quelques photos.

C’est vraiment une très belle ville, pleine de vieux bâtiments, de belles églises et cathédrales, et de rues piétonnes pavées.

Dicodoplus (oui je sais. Mais c’est comme ça que mon petit garçon appelait cet animal quand il avait quatre ans)
Château
Überwasserkirche (la page wikipedia nous apprend que le nom vient du fait que cette église est située de l’autre côté de la rivière, par rapport à la cathédrale de la ville)
Ancienne mairie
Cathédrale St-Paul

Arrivé à l’hôtel, je range mon vélo, déballe mes affaires dans la chambre et prends une douche. Puis direction le centre-ville.

Je suis bien surpris de trouver un magasin de fromages qui ressemble à quelque chose de connu. Je ne parle hélas pas de l’alpage de Plan Pichu ou de la fromagerie Les Alpages à Grenoble, mais d’une échoppe qui vend, comme dans beaucoup de lieux touristiques aux Pays-Bas, des boules insipides hors de prix. Même si les Pays-Bas ne sont pas si loin, je ne m’attendais pas à tomber là-dessus.

Kaaswinkel

Il y aussi un cortège de gens portant tous le même t-shirt : « Er heiratet, wir sind nur zum Saufen hier » (traduction : c’est lui qui se marie, nous on est juste là pour la picole).

Ensuite direction le restaurant de l’ancien hôtel de ville — recommandé par la dame de l’hôtel — pour des pâtes aux champignons et au poulet. C’était vraiment très bon.

Mmmmmh

Repu mais exténué, je remercie machinalement le serveur en néerlandais. Puis je vais à la cathédrale où a lieu un concert gratuit. L’organiste de la ville joue des morceaux de Bach (Toccata et Fugue je ne sais plus quoi) ; c’est lié à la période de Pâques (d’où l’expression, sans doute : joyeuses Bach).

C’est très chouette, mais je ne vous cache pas qu’assis sur mon banc je dodeline sévère de la tête. Je quitte la cathédrale avant la fin pour aller me coucher. Pour info, j’ai parcouru aujourd’hui 100,93km en 5h41 et avec 364m de dénivelée positive.


Le lendemain, après une bonne nuit, je prends un excellent petit déjeuner. J’ai beau être dans un basique hôtel Ibis, comme souvent dans les hôtels allemands le buffet est pantagruélique : pains de toutes sortes, flocons d’avoine, charcuterie, fromages, fruits, yaourts, œufs… Je n’en profite pas pour me préparer un pique-nique, parce qu’hier soir, j’ai repéré une sympathique et alléchante Bäckerei.

Après avoir rangé mes affaires, récupéré mon vélo et acheté des sandwiches dans ladite Bäckerei, je quitte Münster. Il est 9h30 du matin et la ville est bien vide.

Canal Dortmund-Ems

Le décor change peu par rapport à la veille : des forêts, des champs. En même temps je préfère ça à la traversée des villes.

Nature
La rivière Bever
On est pas sorti de l’asperge !

La matinée s’écoule tranquillement au gré des routes reliant de petits villages. Puis je me trouve un coin de forêt pour manger mes sandwiches et boire un peu du thé préparé ce matin.

La meilleure aire de pique-nique du monde

Je continue ensuite paisiblement mais sans trop lambiner, car j’ai un train dans l’après-midi à Osnabrück.

Au sortir d’une forêt, une demoiselle me fait signe de m’arrêter et me demande si je veux bien répondre à un sondage sur les vacances à vélo. Je réponds à ses questions et repars avec un sac en tissu estampillé Münsterland, une carte et un guide pour un circuit à vélo dans la région ; mais auparavant, elle m’aura dit « Ihr Deutsch ist wirklich gut » 👍😎

Un peu plus loin me voilà forcé de consulter mon GPS.

Je dois aller vers Lienen. Dommage, j’aimais bien le nom de Glandorf. Ils sont sans doute jumelés avec Glandage, dans le Vercors drômois.

Avant d’arriver à Lienen, je croise un élevage de chèvres occupées à illustrer un proverbe.

L’herbe est toujours plus verte de l’autre côté

Enfin, à partir de Lienen, une bonne montée m’attend : la route va me mener de l’autre côté d’une colline. Avisant un marchand de glaces sur la place du village, j’en profite pour faire le plein d’eau. Entre autres.

Glace yaourt-citron-mangue

Excellente glace qui ne vaut pas le sorbet fraise-lavande que j’ai mangé il y a quelque temps chez un glacier de la région parisienne.

Montée vers Holderdorp

Au sommet, un mini-col puis un village (Holderdorp) qui s’étire, avec une maison au regard bien inexpressif. Elle a l’air bien embêtée de ne pas pouvoir bouger de là où elle est.

Au moins sa casquette lui protège les yeux du soleil.

Encore quelques kilomètres et j’entre dans Osnabrück. Et à Osnabrück, il y a une rivière qui s’appelle la Hase.

Les bords de cette rivière ont l’air jolis. Pour le reste, Osnabrück semble avoir nettement moins de cachet que Münster. Encore que j’ai noté l’existence d’une gare nommée Osnabrück – Vieille Ville. Pas impossible, donc, que je sois passé à côté d’un quartier intéressant.

Hase
La gare d’Osnabrück

Pour aujourd’hui, c’est 75,90km en 4h26 avec 442m de D+. Un peu d’attente à la gare, puis je monte dans un train direction Hengelo, aux Pays-Bas, juste à côté de Enschede, mon point de départ la veille. À Hengelo, un autre train direction La Haye.

Dans le train pour La Haye

Une poignée de kilomètres jusqu’à la maison, une douche et je peux me mettre dans mon lit.

Bilan :

  • J’ai bien causé allemand
  • 176,83km parcourus
  • 10h07 sur la selle
  • 806m de dénivelée positive
  • Une carte :

Ich lass los, lass jetzt los
Die Kraft sie ist grenzenlos
Ich lass los, lass jetzt los
Und ich schlag die Türen zu
Es ist Zeit, nun bin ich bereit!

Ich lass los, lass jetzt los.
Nun bin ich endlich soweit!
Ich lass los, lass jetzt los
Doch Tränen sieht ihr nicht!

5 commentaires sur « Lass jetzt los : deux jours en Allemagne »

  1. Pas de péripéties cette fois-ci, je reste un peu sur ma faim… 🙂
    Encore un belle épopée en tout cas. Et ton allemand scolaire a l’air bien meilleur que le mien !!!!

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  2. Merci Manu tu m’as fait voyager de bon matin avant de partir au boulot! J’ai beaucoup apprécié la chanson à la fin, je pense l’avoir dans la tête toute la journée… ! 🤯 Ça faisait longtemps ça m’avait manqué. 😜

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