Non voglio più servir : un aller-retour à Amsterdam

Trois heures trente assis à regarder devant soi, et ce n’est pas du vélo.

Samedi 6 novembre, je pars à vélo pour un nouveau voyage ; deux jours seulement, mais avec une intention particulière : j’ai réservé une place pour voir Don Giovanni de Mozart à l’Opéra National à Amsterdam. Et accessoirement, une chambre dans un hôtel juste à côté.

Je quitte La Haye par les chemins habituels que je connais, le ciel est gris mais il n’y a pas de pluie et j’ai vent de dos. Rapidement, je suis dans la campagne du Groene Hart.

Zoetermeer : au début j’ai cru à une brebis égarée, mais non. En arrière-plan le domaine skiable de Zoetermeer.

Je continue ma route tranquillement, elle serpente le long de l’autoroute Amsterdam-La Haye, entre les petits villages.

Vers Leiden je vois deux animaux mystérieux.

Alors vous, vous n’allez rien voir là-dessus, mais je vous promets qu’une des taches blanches est un héron blanc.
Un quart d’heure plus tard, une cigogne.

Et comme je sais que certains d’entre vous en réclament parfois, voici une photo d’un moulin. Je constate qu’il est habité, je vois une personne qui en sort et une autre qui s’affaire derrière les fenêtres.

Moulin néerlandais

C’est amusant de voir qu’il sert encore, alors que vue sa forme, il a dû être construit au 17e ou au 18e siècle. Pour information, les moulins aux Pays-Bas ont pour fonction de réguler le niveau de l’eau. Celui-ci pompe certainement de l’eau dans le champ derrière, en contrebas, et la rejette dans le canal que l’on voit sur l’image.

À l’approche de Schiphol, je longe une grande étendue d’eau. Elle a l’air bien froide.

On voit souvent des lacs depuis l’avion quand on part de Schiphol, celui-ci en est un

Et comme je suis proche de Schiphol, je n’oublie pas ma nièce qui adore regarder les avions passer dans le ciel.

Vol KL743 pour Lima, j’ai vérifié

J’attends un peu pour voir si je peux voir le vol 714 pour Sydney, mais je me souviens vite qu’il ne part pas d’Amsterdam. D’ailleurs, la première personne qui me dit de quelle ville part le vol 714 pour Sydney aura droit à la pâtisserie de son choix. J’informe mes lecteurs que leurs enfants sont encouragés à jouer.

Je connaissais le groupe Pearl Jam mais pas Bio Jam. Visiblement ils viennent de sortir un album intitulé « SAP », je regarderai ça sur Deezer.

Une fois le lac derrière moi, je longe, comme c’est souvent le cas aux Pays-Bas, un canal. Ici pas de gravillons donc pas de crevaisons. D’ailleurs le gars chez qui j’ai acheté mon vélo m’a appris que les chemins de halage en France étaient connus pour leurs gravillons acérés et que les crevaisons y étaient fréquentes. Je saurai pour la prochaine fois.

J’imagine quelle tempête monumentale a pu projeter un bateau à cette hauteur depuis le canal

Je finis par arriver aux abords de Schiphol : beaucoup d’avions dans le ciel, beaucoup de trafic sur les routes, beaucoup de hangars et de bureaux.

Si un jour vous avez un tandem à transporter…
Un immeuble au nom sympa

Enfin, j’approche d’Amsterdam. Je savais que le sud de la ville est assez friqué, et ça se sent. Des jolies maisons, des canaux sympas, de la forêt paisible.

Aux abords immédiats de la ville je rejoins un canal suffisamment large pour la navigation. Au loin les immeubles apparaissent.

Une piste cyclable avec des points rouges. Comme je viens de traverser un campus, je pense que ce sont des repères pour le 100m pastis.

Et finalement, après une rapide traversée de la ville, je débarque à l’hôtel, où je m’empresse, comme à mon habitude, d’envahir une remise avec mon vélo et de transformer la chambre en camping avec mes affaires. Bon cette fois-ci je ne fais pas de lessive.

Une douche, un tour dans le quartier pour trouver à manger (effet Thalys+vacances scolaires : j’entends parler français à tous les coins de rue), un peu de repos. Sur les coups de 18h03, je quitte l’hôtel pour l’opéra, muni de mon billet et de mon cuillère-code 🙂 . La représentation commence à 19h.

Dans la rue, un chalmatien

Aller à l’opéra, c’est une expérience en soi. On y croise du beau monde.

Pas de code vestimentaire ici, il n’empêche que tout le monde est bien habillé. Je croise beaucoup de robes de soirée, quelques costards-cravates et même une paire de nœuds papillon.
Avec mes vêtements de sport (juste le haut, j’ai quand même pris un jean potable) et mes chaussures de vélo, j’ai l’impression de faire un peu tache.
Ça n’empêche pas, même quand on est bien habillé, de se curer le nez et d’esquisser un sourire de satisfaction devant le résultat de sa fouille (oui, il s’agit du monsieur à la cravate rouge, là-bas dans le hall).

Aller à l’opéra en chaussures de vélo : c’est fait

Je reconnais quand même les habitudes bien néerlandaises : avant le début de la représentation, tout le monde boit du café. Aux Pays-Bas, le café est un rituel de début de soirée. Juste après le repas du soir.

Titulaires de la nationalité espagnole, respirez un grand coup.

Repas du soir : 17h30-18h.

La salle qui se remplit et l’orchestre qui s’installe

Et c’est parti.

En 1979 était sortie une adaptation cinématographique de Don Giovanni, réalisée par l’Américain Joseph Losey. Chef-d’œuvre visuel, ça ressemblait à ça :

Le film de Losey avec l’Italien Ruggero Raimondi dans le rôle-titre

Ici c’est très, très différent. Le personnage principal est une sorte de clodo dément, les épées et le vin ont été remplacés par des pistolets et des canettes de bière bon marché. Je vous mets ci-dessous une vidéo postée sur Instagram par Seth Carico, le chanteur dans le rôle-titre.

Bon bref, j’adore le film de Losey, mais ce soir c’était vraiment génial, avec une exécution parfaite.

Clap clap clap

Ensuite comme la soirée n’est pas finie je fais la tournée des bars, histoire de me prendre une bonne cuite direction l’hôtel où je m’écroule en trente secondes.

Lendemain, réveil un peu difficile avec de la fatigue résiduelle. Je range mes affaires et descends au petit déjeuner. Thé, tartine, muesli, fruits. Je remonte avec de quoi manger à midi, c’est gracieusement offert par l’hôtel (comprenez : j’ai effectué un pillage en règle du buffet pour préparer mon pique-nique).

Derniers préparatifs, et je remonte sur mon vélo. Avant de rejoindre l’itinéraire que j’ai prévu, je déambule dans Amsterdam pour faire quelques photos de la ville, bien vide en ce dimanche matin. Il y a essentiellement des touristes.

La journée d’aujourd’hui est bien moins marrante que la veille : la sortie d’Amsterdam me paraît interminable, j’ai beaucoup de vent de face, puis la pluie s’invite par averses intermittentes mais soutenues. Bien que les lieux que je traverse soient assez éloignés des grands axes, les paysages sont aussi un peu plus monotones ; j’ai d’ailleurs fait beaucoup moins de photos.

En route vers la maison

Une fois sorti de la ville, je longe, ô surprise ! Un canal. Je croise quelques péniches.

Péniche transportant du rhum ?

À Woerden, j’ai déjà pas mal de bornes dans les pattes et je suis encore loin d’être arrivé. Je crois que j’ai dû me planter en préparant mon itinéraire.

Woerden sous la pluie

En plus j’ai froid, mes chaussettes et chaussures sont trempées et je pense que ma veste de pluie a fait son temps. Parfois, dans un voyage à vélo, on se demande ce qu’on fiche dans cette galère.

Aujourd’hui c’est le cas, et ça me rappelle une vieille pub des Nuls. Là pour moi c’est la version vélo.

Au moins maintenant j’ai de quoi qualifier une journée similaire à vélo : une journée Gamel Trophy.

À Gouda, je décide de terminer mon voyage avec le train, on ne va quand même pas en faire un fromage 😀 . Je suis fatigué, transi de froid, je n’ai plus rien à manger et il me reste encore au moins quarante kilomètres jusqu’à la maison, alors que j’en ai fait plus de soixante-dix.

Retour en train

Dans le train, il y a une petite fille et une dame qui est visiblement sa grand-mère. Chacune porte un bracelet velcro au poignet, et les deux bracelets sont reliés par un gros fil hélicoïdal. Au début je pensais que c’était pour éviter de perdre la petite fille, mais après réflexion, je pense que c’est un bracelet ESD pour quand la dame utilise sa petite-fille comme banc de mesure pour faire des C(V) sur des MOSFETs. Lecteurs spécialistes, n’hésitez pas à me contredire si je dis des bêtises.

Quelques chiffres :

  • Rijswijk-Amsterdam
    • Distance 77,23km
    • Temps de pédalage 3h36
    • Dénivelée 182m
  • Amsterdam-Gouda
    • Distance 72,69km
    • Temps de pédalage 4h13
    • Dénivelée 255m
  • Total
    • Distance 149,92km
    • Temps de pédalage 7h49
    • Dénivelée 437m

Et puis une réflexion, tiens.

Dans la vidéo, Seth Carico dit que Don Giovanni est un personnage narcissique et qu’il cherche son propre plaisir sans se soucier des conséquences.

Mais j’ai réalisé que les autres personnages essaient tous de le sauver de lui-même : Leporello, son valet, espère que son maître finira par retrouver le droit chemin ; Donna Elvira, qu’il a séduite puis abandonnée, pense que l’amour qu’elle a pour lui va le sauver ; et le Commandeur, pourtant tué par Don Giovanni (et qui revient sous la forme de la statue de sa propre pierre tombale, si vous ne connaissez pas l’histoire), lui demande de se repentir.

Évidemment, tous échouent et Don Giovanni termine en enfer. J’ai remarqué que la musique de l’ouverture se retrouve à la fin : c’est le signe que Don Giovanni porte en lui, et dès le départ, sa propre chute.

Ça me rappelle un peu Star Wars : dans le film La Menace Fantôme, le Maître Jedi Qui-Gon Jinn meurt peu après sa rencontre avec le jeune Anakin, laissant l’enfant sans la figure paternelle qu’il aurait pu incarner. C’est ce qui fera basculer Anakin dans le côté obscur à l’âge adulte.

Allez, rangez vos affaires et sortez en rang. La prochaine fois, on parlera de Madame Bovary.

In questa forma dunque mi tradì il scellerato; è
questo il premio che quel barbaro rende all’amor
mio? Ah, vendicar vogl’io l’ingannato mio cor; pria
ch’ei mi fugga – si ricorra – si vada – io sento in
petto sol vendetta parlar, rabbia e dispetto.

4 commentaires sur « Non voglio più servir : un aller-retour à Amsterdam »

  1. Hihi! ça commence à ête franchement courageux les sorties vélo à cette période! Bravo et pas de regrets à avoir pour le train ou le Gamel Trophy!!!

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